Jeu de Rôle : Black Sword Hack (The Merry Mushmen)
Cet article a initialement été publié dans ma taverne précédente le 25 décembre 2023
Hello There !
Aujourd'hui, nous allons parler d'un de ces OSR dont j'ai fait une présentation dans mon article Jeu de Rôle précédent. Après une intrusion dans ce nouveau genre avec DCC (Dungeon Crawl Classics), c'est tout à fait par hasard, alors que je cherchais des renseignements sur Midnight, un supplément de contexte dark fantasy édité par Edge pour D&D, que je suis tombé sur Black Sword Hack.
Mais comment était-ce possible de créer un jeu en si peu de pages, là où d'autres éditeurs en ont besoin de 300 à 400 ? Était-ce 100% original ou inspiré d'autres productions existantes ou ayant existé ? Pouvait-on vraiment jouer des heures et des heures avec si peu ? Armé de mon insatiable besoin de trouver des réponses et ne reculant devant aucun sacrifice pour me documenter, j'ai plongé au cœur des ténèbres recouvrant les noirs secrets de BSH au risque d'attirer sur moi le regard de l'éternel conflit entre l'Ordre et le Chaos dans le seul but de vous apporter la lumière et vous transmettre le fruit de mes recherches. J'espère en avoir le temps ...
If You live by the sword....
Black Sword Hack est une petite surprise issue des hasards de la vie. Je ne connaissais pas l'existence de ce jeu jusqu’à ce que je tombe sur une vidéo dont je n'avais pas compris au départ de quoi elle traitait. Il s'agit d'un jeu édité par The Merry Mushmen (mieux connu pour Knock!) et écrit par Alexandre "Kobayashi" Jeanette. Black Sword Hack est, selon ses mots, "un jeu de rôle de dark fantasy inspiré (mais sans s’y limiter) des œuvres de R.E. Howard, Michael Moorcock, la série Kane de Karl Edward Wagner, les livres Lankhmar de Fritz Leiber et Dying Earth de Jack Vance." Étant fan de pas mal de ces écrivains et de leurs fantasmes pulp, cette description a complètement capté mon attention, tout comme la couverture accrocheuse de Goran Gligović, qui ouvre ce livre couleur de 112 pages au format A5, relié. La finition du produit est tout bonnement exceptionnelle, et son contenu encore plus incroyable vu la taille du manuel. Il faut noter ici qu'il s'agit d'une seconde édition, ce qui implique une édition plus complète et revue. Je dois dire que je suis plutôt ravi de ce format "poche" plutôt pratique et bien pensé pour du jeu sur table. D'ailleurs, ne vous attendez pas à tout un tas de Merchandising attenant, genre dés spéciaux, écran et suppléments, ce n'est pas l'esprit de l'éditeur, ni de ce jeu.
Then you will DIE by the sword !
BSH est inspiré de The Black Hack, un RPG simplifié de classe et de niveau de David Black, dont la première édition est parue en 2016. The Black Hack et ses principes de conception ont été très appréciés, ce qui a conduit à une prolifération de « Hacks » – Bluehack (pour Holmes D&D), The Rad-Hack (Gamma World, etc.), mais surtout le plus connu, Cthulhu Hack (Call of Cthulhu) parmi tant d'autres. Il s'inscrit dans la mouvance OSR.
Le manuel se découpe en plusieurs parties qui s'enchainent de manière logique et ne s'encombrent pas de fioritures ni de texte à rallonge comme certains manuels d'aujourd'hui. Si certains jeux, plutôt de type social ou d'ambiance, nécessitent des éléments de contextes, ou encore de longs récits immersifs, ici, l'approche choisie est claire, concise, directe, ce qui me semble être le bon choix pour un jeu de type Sword & Sorcery. Le but est simplement de donner les règles, des mécaniques. Uniquement. Un peu à la façon des wargames.
Rulling Forever
Le manuel se décompose en deux parties. Tout d'abord une première moitié d'environ 60 pages est consacrée aux règles, à la création de personnages incluant de nombreuses options d'équipement et de magie, à la progression en expérience, et enfin à un bestiaire.
Les règles de base de Black Sword Hack sont simples et tiennent sur 4 pages. Un tour est une mesure abstraite du temps pendant lequel un personnage joueur peut agir. Le nombre d'actions est déterminé par le jet d'initiative. On peut généralement effectuer deux actions, telles que le mouvement et le combat, mais si le jet est critique alors le nombre d'actions passe à 3 voire à 1 si ce dernier est un échec. Toutes les actions sont résolues en effectuant un test d'attribut. Le but d'un test est de faire un jet sous le score d'attribut approprié d'un personnage avec un d20. Un résultat de 1 est toujours un succès critique, tandis qu'un résultat de 20 est toujours un échec critique. Je dois admettre qu'il faut un certain temps pour s'habituer à cette pratique, car elle va à l'encontre de l'utilisation classique du D20, étant plus une mécanique du BRP et son D100, mais pour le reste, les règles de Black Sword Hack restent simples.
Le jeu implémente un système de Usage Die (Ud) ou Dé d'Utilisation. C'est un moyen de suivre certains types de ressources qui sont en quantités limitées, mais contrairement à d'autres jeux du même genre, ça ne concerne pas les rations ou les flèches. Black Sword Hack utilise le Usage Die uniquement pour des ressources abstraites, comme l'influence, les dettes, etc. Chaque fois qu'une ressource est utilisée, le dé est lancé et, si le résultat est 1 ou 2, le dé "se dégrade" au type de dé suivant (par exemple, d8 devient d6) jusqu'à ce que d4 soit atteint et que 1 ou 2 soit lancé, auquel cas la ressource est complètement épuisée. De plus, il existe le Doom Die (dé du Destin), une variante particulière du dé d'Utilisation qui représente "l'attention de la Loi et du Chaos" sur les personnages. Il est lancé chaque fois que le personnage échoue de manière critique et dans certaines autres conditions spécifiques. Une fois le dé du Destin épuisé, le personnage effectue tous ses tests et jets de dégâts avec Désavantage (c'est-à-dire lancer deux dés et prendre le résultat le plus bas, enfin le chiffre le plus élevé dans notre cas).
Your are no son of mine !
Si la filiation avec D&D est évidente (FOR, DEX, CON, etc.), le jeu ne possède pas de classe de personnage, mettant davantage l'accent sur leur origine (barbare, civilisé ou décadent) et leur histoire passée (berserker, diplomate, assassin, etc.). Les personnages peuvent également acquérir des « dons » – des pouvoirs d'équilibre, de chaos ou de loi – en plus de la Sorcellerie, ou encore des Liens Féeriques, de la Science Déviante et des Armes Runiques. Au fur et à mesure que les personnages acquièrent de l'expérience, ils accumulent plus de capacités et de points de vie, mais un personnage Black Sword Hack de haut niveau est beaucoup moins robuste qu'un personnage D&D de niveau similaire. Par conséquent, le combat est beaucoup plus dangereux, ce qui est logique compte tenu de ses inspirations littéraires.
And the Gods created the World for their own entertainment
La seconde partie du manuel permet quant à elle de créer son propre monde à détruire (Sic). Des Appendices divers et variés viennent compléter et refermer le manuel.
Là où Black Sword Hack brille vraiment, c'est par ses outils de construction de monde. Environ la moitié du livre est consacré à ce domaine – davantage si l’on inclut son exemple de bestiaire. Le jeu suppose que le MJ créera son propre décor ou la lutte entre la Loi et le Chaos fait rage, comme dans les fantasmes de Moorcock. Il existe tout un tas de tableaux et des exemples pour l'aider à décider de la nature de la lutte et de la manière dont elle se manifeste dans le setting, ainsi que de nombreuses accroches de scénarios. Pour illustrer l'ensemble, deux aventures qu'il faudra probablement étoffer un peu pour les rendre plus consistantes sont proposées, ainsi que la présentation d'une ville entière à brûler (Sic).
Une particularité de cette section est que tout paramètre conçu par le MJ inclura inévitablement certains lieux tels que La Cité Interdite, Une Guilde Marchande, Les Pillards Nordiques, Le Pays des Pyramides Noires, La Horde de Fer, La cité des Voleurs, Une Théocratie, L'Empire des Sables, etc. Ce ne sont pas seulement des tropes de la Dark Fantasy, mais peut-être aussi des archétypes éternels qui réapparaissent tout au long du multivers. À chacun de les retravailler, les modeler pour en faire ce qu'il veut réellement. Créer un décor pour Black Sword Hack implique de dessiner une carte et d'y placer tous ces lieux quelque part, puis d'étoffer les détails par le jeu et l'utilisation judicieuse des tableaux aléatoires fournis dans le livre. C'est une approche intelligente qui aide véritablement à guider le MJ de manière utile à agencer son propre monde de Dark Fantasy. Il en va de même, je pense, avec le bestiaire, qui comprend de nombreux ennemis archétypaux – démons, cannibales, hommes-serpents – pour stimuler l’imagination, tout en fournissant les outils nécessaires pour créer des antagonistes uniques et originaux.
appendix N
La toute dernière partie nous offre plusieurs appendices sur une ou deux pages maximum. Très originaux et de grandes qualités là encore, on y retrouve du classique - des astuces sur comment mener la partie - mais aussi des choses assez rares. Parmi les plus notables, Conseils des Grands Anciens. Il s'agit de citations et d'extraits d'auteurs de Fantasy desquels on peut retirer des idées ou des concepts pour notre partie. Des règles pour jouer en solo sont également présentées, ou encore une bibliographie ainsi que la manière d'utiliser ses romans préférés comme générateur de scénarios.
Enfin, on pourra trouver un setting complet accompagné d'une carte. Il a été réalisé par Evelyn Moreau et publié sur son blog après la première édition de BSH, et les auteurs ont jugé judicieux de vous montrer une façon d'utiliser les outils de construction du monde, et spécialement parce qu'elle ne les a pas suivis au pied de la lettre !
La traditionnelle fiche de personnage suivie d'un glossaire sur une page concluent ce manuel.
The Chaos Crier
Bien que tout ceci semble déjà assez complet, The Merry Mushmen ont également publié un supplément de quelques pages proposant un setting et un scénario : The Chaos Crier. De forme "pulp" en A5 également, il propose une aventure Cthulhienne à vos joueurs devant les occuper au moins une soirée de jeu. Prêt à jouer, facile à prendre en main, il peut faire une bonne porte d'entrée pour votre table. Je trouve pour ma part que le prix de 8 € est un peu cher pour 28 pages en noir et blanc exceptée la couverture.
En Conclusion
Black Sword Hack est un jeu simple permettant la création de monde ou la loi et le Chaos s'entredéchirent. Certains joueurs et MJ peuvent trouver décevant son manque relatif d'options afin d’envisager toutes les possibilités, que ce soit dans les règles ou dans sa myriade de paramètres annexes. Si vous préférez quelque chose de plus défini, voire concret, il vaut mieux opter pour d'autres jeux plus classiques et complets comme Pathfinder ou D&D. Black Sword Hack peut se targuer à juste titre de règles légères et de ses options malléables à souhait mais cela ne sera pas du goût de tout le monde.
Pour ma part, j'ai réalisé que mes propres préférences tendent vers des règles simples et plus flexibles, favorisant la narration et laissant beaucoup plus de place à la création partagée sans s'encombrer de corpus de sorts qui n'en finissent plus ou de suppléments imbitables. Cela me convient parfaitement, d'autant plus que je ne souhaite plus m'engager sur de longues campagnes interminables dans le domaine de la Fantasy, j'ai donné. Un système plus léger favorisant des sessions courtes à épisode qui commence et se termine, la possibilité de retrouver les héros ou pas lors de la prochaine diffusion, à un nouvel endroit pour de nouvelles aventures ? BSH me semble le bon compromis.
Et pour ceux qui souhaiteraient jouer de manière régulière et prolongée avec un univers maison, mais qui ne souhaitent pas s'encombrer de règles wargame à la D&D, préférant la narration, vous avez toqué à la bonne porte. Attention tout de même à ne pas trop attirer l'attention de l'Ordre et du Chaos sur vous !
Une petite particularité qui m'a surpris est ce logo MbH en bas à droite du supplément et sur la tranche du livre de règle signifiant Made By Humans. We live dark strange times..
En attendant de vous retrouver prochainement, je vous souhaite d'excellentes parties et une ...
Bonne fin de civilisation !
Retrouvez le site de l'éditeur site ici : https://www.themerrymushmen.com/
Toutes les images présentées dans cet article sont issues du site de Merry Mushmen ou de la présentation du manuel. Artiste : Goran Gligović